LES NON-DITS DANS LA FAMILLE, DES POISONS RELATIONNELS
Par Charlotte Huot, médiatrice familiale à la maison Familya de Lyon
La communication au sein de la famille n’est pas toujours simple. Parfois nous pouvons nous sentir en difficultés pour parler à nos proches : notre conjoint, nos parents, nos enfants, nos frères et sœurs.
Qu’est-ce qui fait que parfois nous ne disons rien, que nous préférons nous taire ? Et quelles en sont les conséquences ? On peut aussi se poser la question suivante : faut-il tout se dire en famille ? Certes non ! Chacun possède un droit à l’intimité, à la fois dans ses aspects physiques et psychiques. On parle de notre jardin secret : c’est le domaine des sentiments et des pensées les plus intimes. Sans la possibilité de préserver notre jardin secret, il n’y a pas d’estime de soi, pas de liberté.
Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, rappelle que le secret « permet à chacun de protéger son identité profonde des intrusions de l'environnement. Il est la première condition à la possibilité de penser par soi-même et pour soi-même. »
Notre droit à avoir des secrets nous permet de construire une frontière entre soi et les autres, entre nos sphères privée et publique. Alors comment distinguer le secret qui nous protège de celui qui génère des problèmes pour nous-même et pour les autres ?
1. Tisseron Serge, Secrets de famille, mode d’emploi», Edition Ramsay, 2007, p.8-9.
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE NON-DIT ET SECRET ?
Commençons par différencier le non-dit et le secret. Un non-dit est ce qui n’est pas formulé explicitement, ce qui reste implicite dans le discours d’une personne. Parfois les non-dits deviennent des secrets lorsque ce qui n’est pas dit concerne un événement vécu avec douleur, malheur ou embarras et qu’il y a un acte délibéré d’une ou plusieurs personnes de cacher une vérité à d’autre(s). On parle alors de secret de famille qui peuvent concerner de nombreux domaines : secret concernant les origines, l’argent, la maladie, la mort, … Je n’irai pas plus loin concernant les secrets de famille, j’en parlerai une prochaine fois.
Arrêtons-nous un moment sur les non-dits au sein de la famille. Bien qu’ils soient courants, ils sont néanmoins un obstacle majeur à des relations saines, sincères et authentiques. Ils vont à l’encontre de la confiance, du partage, de l’écoute et peuvent générer du stress, de l’angoisse, des ressentiments, voire des conflits.
Ces non-dits peuvent provenir d’un manque d’affirmation, lorsque nous n’osons pas dire ce que nous pensons, ce que nous voulons faire, ce que nous ressentons. Par exemple votre conjointe a oublié de vous souhaiter votre anniversaire. Vous êtes triste, déçu mais vous gardez tout pour vous.
APPRENDRE A S’AFFIRMER
Ces ressentis sont souvent le résultat d’un manque d’affirmation, de confiance en soi, peut-être aussi d’un manque d’écoute de nos propres besoins lorsque nous laissons toujours passer les autres avant nous. Ils peuvent également provenir de peurs : peur du conflit, peur de s’affirmer, peur de déplaire, peur du regard des autres, … difficulté à oser exprimer son désir par peur d’un refus, ou du rejet.
Ils sont stressants et frustrants car souvent la personne voudrait réellement s’affirmer mais elle n’ose pas s’exprimer, dire ce qu’elle a sur le cœur et petit à petit la frustration grandit causant une irritabilité grandissante qui dégénère souvent en agressivité.
Certains non-dits ont pour enjeu le pouvoir de l’un sur d’autres, lorsque nous ne partageons pas certaines informations. Cela peut être consciemment : ce sont des non-dits qui polluent souvent l’atmosphère dans les bureaux. Et cela peut être beaucoup moins conscient, tel un « oubli ». Par exemple votre fille vous téléphone pour vous apprendre qu’elle vient de faire une fausse couche et vous « oubliez » d’en parler à votre conjoint. Le week-end suivant, lors d’un repas de famille, votre mari demande à votre fille comment se passe sa grossesse... Qu’est-ce qui fait que vous avez oublié d’en parler à votre mari ? Une dispute entre vous deux le jour même ? La volonté inconsciente d’être dans un lien privilégié avec votre fille ? La volonté de « protéger » votre mari ?
COMMENT SORTIR DES NON-DITS ?
Il est important de prendre conscience que cela va nous demander des efforts et de l’énergie, mais que nous avons tout à y gagner. En effet, c’est souvent plus facile et moins énergivore d’être dans le non-dit plutôt que de s’affirmer et dire ce que nous pensons, ressentons, voulons faire, tout en prenant l’autre en compte et en le respectant.
Voici quelques pistes à explorer pour sortir des non-dits.
Je peux commencer par prendre conscience de ce que je ne dis pas : qu’ai-je du mal à dire ? Pourquoi ? Cela peut être une émotion, un besoin, une pensée, un avis, une envie, … Je peux questionner les « avantages » que j’obtiens lorsque je me tais : est-ce que cela me permets d’avoir la paix à court terme ? Est-ce que j’évite le conflit que je déteste ? Y a-t’il un enjeu de pouvoir ? Est-ce que je veux avoir de l’ascendant sur l’autre ? Est-ce que cela me permet de rester maître de la situation ?
Je peux aussi observer ma capacité à ressentir des émotions : est-ce que je m’autorise à me sentir triste ? En colère ? Avec de la peur ? Et lorsque je ressens une émotion, est-ce que je l’accueille avec bienveillance ? Ou alors est-ce que je me juge ? Je peux aussi faire le lien entre l’émotion que je ressens et mon besoin associé qui n’est peut-être pas reconnu ni assouvi. Enfin je peux apprendre à exprimer mes émotions et mes besoins.
Le plus grand défi semble donc finalement de pouvoir se dire à soi-même avant de pouvoir dire aux autres.
Par Charlotte Huot, médiatrice familiale à la maison Familya de Lyon
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